A la fin de juin dernier, sous un chapiteau, au festival de Roskilde, dehors il pleuvait, sous la toile on s'enfonçait dans la boue jusqu'aux chevilles. Elvis Costello est arrivé sur scène et s'est laissé aller à un accès de sentimentalité : " Nous allons jouer très longtemps pour vous garder de la pluie. " Et le groupe a attaqué Accidents Will Happen, extrait de Armed Forces, 1979.
Il y a douze ans, Elvis Costello et les Attractions ont failli devenir des stars. Bruce Thomas, le bassiste du groupe aujourd'hui dissous, a écrit un petit livre (The Big Wheel) sur cette expérience. Il raconte le dérèglement des vies qu'apporte la notoriété, les dérives contradictoires qui ne s'arrêtent que le temps de jouer de la musique ensemble. Pour échapper à la spirale ascendante, Elvis Costello a multiplié les provocations médiatiques, ce qui ne suffit pas pour échapper au vedettariat, et a continué à tracer son chemin tout seul, sans souci des règles du métier ni des désirs de son public, ce qui a largement suffi.
Aujourd'hui, Elvis Costello ressemble tout à la fois à un socialiste révolutionnaire de gauche (les longs cheveux luisants coiffés en arrière, la barbe rougeoyante et pas taillée, les lunettes cerclées d'acier), à un poète beat en fin de tour des Etats-Unis (la grosse veste chinée, le regard allumé sans autre passion que celle de voir), et à Elvis Costello (la voix, la musique). Il fait partie des meubles de la scène rock.
En Grande-Bretagne, aux États-Unis, chaque fois qu'un disque sort, il se classe au milieu de la liste des meilleures ventes dès la première semaine, puis il redescend lentement jusqu'à disparaître des charts. C'est la manifestation de la fidélité d'un public. A New-York, Costello remplit le Madison Square Garden. C'est aussi la preuve d'une impossibilité : celle d'étendre ce public au-delà des frontières définies il y a douze ans. Dans les quelques interviews qu'il accorde quand il publie un album (le dernier en date, Mighty Like A Rose, est sorti au début de l'année), Costello assure qu'il lui suffit de pouvoir continuer son métier d'auteur et de musicien.
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